Flèche Bulletin numéro 12
Septembre 1966

 Raoul GERMOND

 

 

Sur une maison de fief de la Brune

Mlle Foret - Vous avez parlé de quelques maisons de Mauzé ayant un passé intéressant. Par certaines particularités (l'escalier, la cave, par exemple), la mienne me semble entrer dans cette catégorie. Auriez-vous à son sujet des documents antérieurs à 1804 ? Je sais, par Me Brouillac, qu'à cette époque elle appartenait à la famille Giraud-Fromentin.

- Parlons du renseignement fourni par Me Brouillac Voulez-vous, Mademoiselle, des précisions sur l'achat de votre maison par la famille Giraud ? C'est le 8 nov. 1791 que Jean-François Lachambre la cède, à titre de rente foncière annuelle, remboursable à volonté, à Mme Élisabeth Fromentin, veuve de Paul Giraud. Elle confronte du levant à l'ancien minage qui a été renfermé de murailles par le feu sieur Esnard (1). Détail à noter : la pièce dont vous avez fait votre salon n'avait pas alors de plancher.

Mais cette maison qu'il venait ainsi d'arrenter, le sieur Lachambre ne la possédait que depuis une quinzaine de mois.

Il l'avait acquise le 20 juillet 1790 de Me Armand Pillard, moyennant une rente de 120 livres (étude Deboneuil). Il la revendait dans d'excellentes conditions : c'est Mme Giraud qui servirait à Me Pillard la rente de 120 livres et elle paierait en outre à Lachambre une autre rente de 60 livres. Elle s'engageait donc à servir au total 180 livres de rente foncière, amortissable de 3600 livres au capital.

' Lachambre pouvait se frotter les mains de satisfaction.

Mais Mme Giraud amortit les rentes dues dans les plus courts délais. Dans le courant de l'année suivante elle compta les 3600 livres à Me Deboneuil (2400 pour Pillard et 1200 pour Lachambre), et, profitant des dispositions des récents décrets sur le remboursement des rentes, ne sortit de son sac que des assignats. Vous dirai-je qu'un de ceux-ci, d'une valeur de 500 livres portait le n° 53 310 de la création du 29 septembre ? Évidemment vous n'en demandez pas tant.

Vous n’ignorez pas que Me Armand Pillard était notaire royal et procureur fiscal de la baronnie de Mauzé. Ne serait-il pas plaisant de se dire qu'i1 avait peut-être Bison étude, à deux pas du minage et des halles ? Je crois qu'il vaut mieux renoncer à cette supposition. Au moment de la vente à Lachambre, en tout cas, la maison était occupée par un obscur sieur Cacaud.

Mais depuis quand Me Pillard en avait-il la propriété ? Mystère. Et auparavant ? Qu'est-ce donc que ce fief de la Brune où elle était située ?

Tout ce que je puis vous dire , c’est qu'il y a eu au Moyen-Âge un certain Tiphaine Brune (attesté en 1384) et, après lui, un certain Philippe Brune qui étaient vassaux du baron de Mauzé pour un fief situé "tant dans l'intérieur de la ville que dans les faubourgs d'icelle". Ce fief appartenait au 16ème siècle à Jehanne de Mathefalon; il passa par voie d'héritage à son fils aîné, Alexandre Desmier, écuyer, seigneur d'0lbreuse et d'Antigny. Le regretté colonel Pillot de Beauretour possédait un microfilm d'un document de 1615 par lequel Alexandre Desmier rendait aveu de la Brune à Mre Claude Gillier, baron de Mauzé. On y voit qu'une partie du fief consistait en un enclos et circuit de maisons, jardins et leurs appartenances, limité par la place des Halles, la petite place du Minage, la rue descendant de la Grand -Rue au Minage, la rue du Mitton, la rue du Puits-Barré et la maison appartenant aujourd'hui à Mr. Guillaume et qui fut jadis à l'abbé des Chastelliers, à cause du prieuré de Chaban.

L'aveu contient la double énumération de toutes les parcelles de ce fief et de tous ceux à qui elles appartenaient en 1615 et même auparavant. Sans pouvoir être absolument affirmatif, je crois que votre maison était aux héritiers de René Jousselin, précision qui, je le reconnais, n'est que d'un fort mince intérêt.

Au 16ème siècle, c'était certainement l'une des plus importantes du fief : votre cave et votre escalier en témoignent, Aurait-elle été jadis la maison noble ? Non. L'emplacement de celle-ci, qui dès le 17ème siècle n'existait plus, serait à chercher plus au sud. Mais consolez-vous, Mademoiselle, vous avez le plus bel escalier de pierre de Mauzé.

(1) le père du général (v.bulletin N°11)