Flèche Bulletin numéro 11
Juin 1966

 Raoul GERMOND

 

 

 

Les Festy et le moulin à drap

Les pages précédentes étaient déjà prêtes pour le tirage lorsque Madame Guibert, me remettant une copie de l'acte de mariage d'Emmanuel Savary, m'exp1iqua comment ce document se trouvait en sa possession et, en même temps, comment son grand-père maternel, Diego-Émile Lecompte, un Provençal, avait pris femme à Mauzé; puis s’y était retiré dans la maison du contre-amiral.

Emmanuel Savary et Jean-Remi Lecompte, le père de Diego, avaient épousé les deux sœurs Billon, Eugénie-Thérèse et Marie-Joséphine. Toutes deux ayant perdu leur mari a peu d'années d'intervalle (Rémi Lecompte mourut en 1854 et Emmanuel Savary en 1856), Mme Lecompte vint retrouver sa sœur à Mauzé (1). C'est là que Diégo épousa, en 1872, Marie-Emilie Festy, qui appartenait à l'une des familles les plus notables du bourg : les Festy du Moulin à Drap. Le père d'Émilie avait été élu maire de Mauzé en 1865 et l'était demeuré jusqu'à sa mort, en 1870.

À l'église, le grand-père ayant été premier marguillier de la paroisse, les Festy continuaient d'occuper le banc n°1, le plus proche du sanctuaire.

Le Moulin à Drap.
Comme son nom l'indique, le Moulin à Drap fut longtemps un moulin servant à fouler les étoffes de laine. On sait qu'autrefois les habitants de chaque région s'efforçaient de produire sur place ce qui était nécessaire aux plus pressants besoins. Autour de Mauzé, on ne cultivait pas seulement la vigne et le blé, mais aussi le lin et le chanvre, et on élevait de nombreux moutons (2). Dans les moulins qui se succédaient le long du Mignon, les roues actionnées étaient tantôt des roues à bled, tantôt des roues à drap. (On lit dans un document datant de 1727 ou 28, relatif à la seigneurie d'Olbreuse, que le  Moulin Neuf de Mauzé, qui appartenait alors à la dite seigneurie, "consiste en deux roues, l'une à bled, l'autre à drap, ce qui vaut par année 150 livres").

Le Moulin à drap figure, avec le n° 11, sur le plan de Mauzé dressé en 1719 par l'ingénieur Masse. À cette date, selon une déclaration du 15 avril 1705 rendue à la baronnie, il appartenait à Jean Burjaud. Sa fille, Marie-Jeanne, qui, en 1686, avait épousé Antoine Pillot, en hérita- Elle eut quatre enfants dont Jeanne, épouse d'Annibal-Thomas Pillot, maître chirurgien Elisabeth, épouse de Jacques Festy, sieur de Poupelin, marchand, demeurant à Ligneil; Antoine; marchand tondeur; marié en 1713 à Marie-Madeleine Guionnet. C'est lui qui, succédant à son père exploitait le moulin. Il mourut sans descendance. Après le décès de sa veuve, en 1783, l'un de ses neveux, Jacques Festy, qui demeurait alors à Sansais, et les frères Barbotin, marchands à Surgères, héritiers d’Annibal-Casimir Pillet, un autre neveu, se trouvèrent propriétaires par indivis du Moulin à Drap; maison et dépendances. Diviser le domaine, c’eût été en diminuer de beaucoup la valeur. Ils procédèrent donc une licitation, le 20 août l784, devant Me Pillard. Jacques Festy demeura seul propriétaire moyennant la rente foncière amortissable de 45 l, servie aux sieurs Barbotin, en leur maison de demeure, en chaque terme de St Jean-Baptiste, et un boisseau de noix sèches porté à Surgères en chaque fête-de St Michel. C’est ainsi que les descendants de Jacques Festy devinrent, pour les habitants de Mauzé, les Festy du Moulin à drap.

Je rappelle que Madame Guibert est la petite-fille d'Émilie Festy. Elle descend donc d'Antoine Pillot, tondeur et marchand de laine au Moulin à Drap, lequel était le petit-fils de ce Jean Pillot, notaire et procureur de la baronnie, qui vivait sous le règne de Louis XIII.

Notre confrère, Georges-Aristide Pillot, qui descend lui aussi, mais uniquement par les mâles  de ce même Jean Pillot, et qui est curieux de généalogie, va sans-doute s'écrier en lisant ces lignes: «Tiens ! une nouvelle petite cousine !". Mais oui - au 16ème degré.

R.G.

1) Emmanuel Savary n'est pas mort le 29 décembre 1856, comme on lit dans le précédent bulletin, mais le 29 septembre. C’est le 7 janvier 1859 qu’il avait épousé Eugénie-Thérèse Billon, née à Gênes (États Sardes) le 26 février 1809, domiciliée à Toulon, fille majeure de feu Jean-Joseph Billon, de son vivant conservateur des hypothèques, et de feue Marguerite-Victoire Denans.

(2) En 1848, il y avait 20 tisserands à Mauzé. (D'après la liste des électeurs).