![]() |
Bulletin numéro 4 | Septembre 1964 | Raoul Germond |
L’emplacement des fours du château. L’auberge du Faisan.
Dans le bulletin n° 2, nous avons parlé des fours banaux qui se trouvaient dans l’enceinte du château, le long de la Grand Rue.
On me demande d'en préciser davantage l'emplacement.
Disons qu'il a varié. D'abord voisins du Mignon; ils furent reconstruits plus à l'ouest; d'où il résulte que l'entrée principale du château se trouvait encore plus à l'ouest et proche de la Bretagne.
Ces renseignements sont contenus dans un acte notarié du 6 janvier 1784 par lequel Me Gaspard-Denis Ginisty, fondé de pouvoir du marquis de Crillon, concédait a Louis Cascaud, boulanger, pour y faire consune maison, « un mas de terre où était autrefois bâtis les faours banaux de Mauzé ». Le notaire précise que la parcelle concédée à quatre-vingts pieds de longueur, à prendre du cours de l'eau qui vient des moulins, et quarante-cinq pieds de largeur, à prendre depuis la Grand Rue jusqu'à la cour du château. Elle se confronte du levant à la rivière, du couchant au restant de l'emplacement des dits fours, du midi à la Grand Rue et à l'entrée de l'abreuvoir, du nord enfin à la dite cour du château. (Le lecteur aura noté au passage l'emplacement de l'abreuvoir public. On voit encore aujourd'hui, de part et d'autre du monument de René Caillié, les deux pentes qui y conduisaient)
Quant aux fours en service à la fin du l8eme siècle, on peut déduire leur emplacement d'une autre phrase de l'acte : « Mettront les preneurs la façade de leur maison sur la rue et de niveau aux bâtiments des fours, après en avoir pris l'alignement au bureau des Finances de La Rochelle ». Ils se trouvaient donc le long de la Grand ‘Rue, à l'ouest des anciens, autrement dit plus près de la Bretagne.
Mais une autre question se pose. La maison ou demeurent aujourd’hui les concierges du château est-elle celle que construisit Louis Cascaud sur le terrain qui lui avait été concédé par le marquis de Crillon ? Il semble bien que le projet du boulanger Cascaud ne fut jamais réalisé. Après la vente du château a Théodore Martell, c'est Pierre Aymard, lequel, nous l'avons vu, obligé de quitter l'auberge du Dauphin, était en quête d'un nouveau logis, qui fut autorisé par le nouveau châtelain à construire une maison à peu près sur le même emplacement. Avec cette différence toutefois que l'aubergiste ne construisit pas pour son compte, mais pour le compte de Théodore Martell qui lui avait sans doute consenti un bail de longue durée. Quand la maison fut achevée, P. Aymard y pendit l'enseigne du Faisan. Nous lisons dans un acte du 1er prairial an 5 que Léonard-Alexis Bertin, propriétaire du château et de la forêt de Benon, de passage à Mauzé, y était logé à l’hôtel du Faisan.
Dans l'inventaire du 28 mai 1819, fait après la mort de P. Aymard, on voit que telle chambre de l'auberge a « son aspect » sur la rivière, telle autre sur la cour, telle autre à la fois sur la Grand rue et la rivière et, surtout, que la cave dépendant de la dite auberge se trouvait sous le château. Je retrouve un passage du livre de Louis Rivière en marge duquel j'avais mis un grand point d'interrogation. « Le 11 août 1824. Martell loua pour huit ans à M. Riviere l'ancien château de Mauzé consistant en un corps de logis appelé le château, une maison nommée l’auberge et de grands magasins, chais et écuries... Le château étant fort délabré par suite d'un long abandon, M. Rivière préféra se loger dans la maison construite en bordure de la Grand Rue et dans laquelle une auberge avait été installée depuis la Révolution ». Quelle auberge ? Tout est clair maintenant. Il s'agissait de l'auberge du Faisan tenue par P. Aymard.
Celui-ci mourut en janvier 1819. Il laissait quatre enfants majeurs : Antoinette, qui avait été son bras droit; Émilie, mariée a Jean-Pierre Braud, qui tenait à Rochefort l'hôtel de la Coquille d'Or; Denis-Aimé, capitaine d'infanterie au 5ème régiment de la Garde Royale, et Jean-Léon, employé de l'Administration des droits réunis à la résidence de Maillezais. L'auberge fut naturellement laissée à Antoinette.
Quand Charles Rivière s'installa au château, Antoinette transporta ses pénates dans la maison du Pas-de-la-sortie, puis, à une date encore inconnue, elle alla pendre l'enseigne du Faisan au dessus de la porte de l'ancienne auberge du Chêne Vert (aujourd'hui au Dr Gaborit) ou elle demeura jusqu'en 1857.
Le logis du tablier
En face du château, entre l'épicerie de Mme Prat et la maison de M. Louis Brouillac, s'ouvre une cour commune dont l’abbé Tribert nous dit qu'elle s'appelle la cour Goy. Malheureusement c'est dans la dernière page de sa dernière chronique et il se hâte visiblement. Il a devant lui les notes du Dr Jousselin, il y puise quelques details qu'il jette rapidement sur le papier : « La maison occupée par une boucherie qui fait le coin de la route de St-Jean se nommait la maison de la Rouzie... (2) Nous avons déjà parlé de la Bretagne, passons...
Nous arrivons devant la cour Goy que tout le monde connaît; On n'y voit plus le logis du Tablier, mais en face se trouve toujours le château ... » Un peu trop rapide, vraiment.
Tout le monde connait la cour Goy; cela veut dire sans doute que tout le monde l'a traversée, mais pourquoi se nomme-t-elle ainsi ?
On ne voit plus le logis du Tablier ; entendons-nous : on ne voit plus l'enseigne d'auberge, mais les constructions subsistent. Ce logis était tout simplement une auberge à l'enseigne du Tablier.
Au milieu du 18ème siècle, elle appartenait à Jacques Cochard. Les bâtiments du Tablier entouraient la cour aujourd'hui commune qui était alors la propriété du seul aubergiste.
Jacques Cochard avait quatre enfants dont une fille, Suzanne, qui épousa Jean-Charles Legoy, conducteur des travaux du Roi. Il mourut en 1766. Après licitation entre les cohéritiers, l'auberge fut adjugée aux époux Legoy qui en continuèrent l'exploitation. Vers 1785, Jean-Charles Legoy pensa à la retraite. Son fils était commis aux vivres sur le vaisseau la Cigogne. L'auberge fut donnée à ferme.
D'abord à Bruno Garnier, puis Louis Rousseil. Dans le dernier contrat, du 31 décembre 1787, on voit qu'elle a changé d'enseigne : Jean-Charles Legoy fils donne à titre de bail à ferme, pour sept ans, a Louis Rousseil, huissier et Anne Bignonneau, sa femme, la maison servant d'auberge ou pend pour enseigne « les Trois Rois ».
Après la mort de Legoy fils, l'héritage fut divisé et l'auberge disparut. Une partie des bâtiments et tout le jardin appartiennent aujourd'hui à M. Louis Brouillac. Quant au nom de la cour, on peut se demander (qu'en aurait dit l'abbé Tribert ?) si le mot Goy n'est pas tout simplement une altération abréviative de Legoy.
Quand s’élevait les maisons de Pierre Petiteau et de Jean Contencin.
Dans les premières années du règne de Louis XVI, le terrain qui s'étendait entre la maison de Pierre Biraud, tisserand, (aujourd'hui à H. Soulet) et le chemin qui, longeant la Bretagne, conduisait à la Péroterie, était occupé par des jardins et quelques maisons basses. Il était limité au nord et à l'ouest par le grand jardin de la métairie des Feuillants.
Voisin de P. Biraud, un voiturier nommé Jean Audouin, mais qu'on appelait généralement le Marquis, possédait deux petites chambres basses le long de la rue, avec un jardin derrière, et, plus au nord, une autre maison appelée la maison de la Treille car le chemin qui passait devant, venant du pont du Dauphin, était ombragé par une vigoureuse treille formant berceau. Enclavée dans les bâtiments et les jardins du Marquis se trouvait la maison de la veuve Jouinot. Plus près de la Bretagne, régnait Jean-David Ninet, charron : cinq chambres basses, une chambre haute, un jardin contenant environ un demi-journal et un quéreux dépendant de la maison.
Tout de coin allait être complètement transformé par deux hommes, Pierre Petiteau, vigneron et marchand, et Jean Contancin, négociant et fermier général des revenus de la seigneurie de Mauzé, qui, tous les deux, au même moment, décidèrent de se faire construire une maison de demeure en bordure de la Grand Rue. C'est au mois de janvier 1777 qu'ils entrent en scène. Le 7 de ce mois, J. Contancin achète la propriété du charron pour 2 920 livres. Le 15, P. Petiteau, qui possédait une maison aux Châtelliers, l'échange contre les maisons et jardins de Jean Audouin. Le 24 novembre, enfin, Jean Contancin arrente la maison de la veuve Jouinot.
Devenue voisins, les deux hommes, après avoir étudié chacun l'emplacement de sa future demeure, procèdent à un troc. Contancin cède à Petiteau la maison de la veuve Jouinot et reçoit en échange une portion de terrain qui va lui permettre de tracer en droite ligne le mur de séparation entre les deux propriétés. L'acte d'échange est du 7 janvier 1778 (minutes Pillard). Jean Contanoin ouvre aussitôt le chantier de sa maison qui s'élèvera le long de la Grand Rue à l'alignement donné par les Ponts et Chaussées. Il veut que ce soit la plus belle du bourg. On l'admire encore aujourd’hui.
Le projet de Pierre Petiteau est forcément plus modeste car ses ressources et l'emplacement dont il dispose sont moins importants. Il a d'abord pensé à faire surélever les trois chambres basses qu'il possède maintenant sur la Grand Rue. Le 5 juillet l778, il étudie la question avec des experts : Jean Meloche, maçon, et Simon Petiteau, charpentier à La Revêtizon. Les deux artisans lui font remarquer que ni les murs extérieurs ni les fondations ne sont assez solides; il faut tout rebâtir a neuf. P. Petiteau se range à leur avis. Il aura la une belle auberge. Il en trace les plans; il y aura quatre chambres hautes et des greniers, la façade aura une hauteur de 27 pieds. Derrière la maison, de nombreux bâtiments de servitude : cellier, chais, grande écurie avec galetas... Il pourra, en particulier installer la brûlerie dont il rêve, car il est vigneron. Il sera désormais aubergiste et marchand. Sa maison est admirablement située, au débouché du grand chemin qui vient de St Jean.
Rouliers et voyageurs qui arriveront le soir verront de loin la grande salle éclairée et accueillante.
Quelle enseigne Pierre Petiteau pendit-il au-dessus de la grande porte ? Il nous faut ici avouer notre ignorance. Après lui l'auberge passa à son gendre Pierre Guinouard. Les vieux Mauzéens se souviennent qu'en dernier lieu elle était tenue par un nommé Convenant. Mais il y a déjà longtemps qu'elle a été réunie à la maison voisine bâtie par Jean Contancin. Le tout appartient aujourd'hui à M. Lucien Savarit, antiquaire.
Raoul Germond
1 Une de ses trois petites filles, Marguerite Arnal, épousa Jean Blay en 1824. Catherine Chevessier est donc la quatrième aïeule de Mme Jean Mondon.
2 Ce pourrait bien une erreur.